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Otti Otta
Otti Otta
17 décembre 2011

J'ai 18 ans…

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… Le Bac en poche. Je débute mes études d'art et de gestion. L'histoire de l'art, de tous les arts et des métiers qui s'y rapportent : commerce de l'art, mécénat, expertise… Gestion, compta, finance.

Je quitte la maison et je m'installe avec une copine de classe Cité Dupetit Thouars, Paris 3, 7e étage sans ascenseur et chiotte à la turc. A moi Paris. A moi la liberté ! J'aime mon école. Mes profs. Mes cours. Mon appart. Mon quartier. Mon copain Gauthier avec qui on aura trois ans pour faire les 400 coups. En novembre, avec Gauthier, on décide de faire ensemble notre dossier sur le bois. C'est ce qui va sceller notre amitié : on passera des jours à la Bastille. Nous sommes en 1988 et de nombreux menuisiers officient encore dans ce quartier. Tous nous disent qu'ils vont devoir partir. Nous, on a trouvé une excellente cadence : on visitera autant de bars que de menuiseries ! A cette époque, ce sont encore les vieux bistrots parisiens, rien à voir avec tous les bars tendance qui fleuriront dès les mois suivants… On peut boire un coup pour pas cher, à peine plus qu'un café, quelques francs pour un petit blanc au comptoir. Qu'est-ce qu'on s'est marré. Au printemps, Gauthier et moi on était inséparables. On a séché énormément de cours. On quittait le 15e où se trouvait notre école, quartier bof quand on a 19 ans, pour aller aux Halles. Place des Innocents. Café Costes. Il était si beau ce café. J'avais les cheveux à la taille, une pêche d'enfer, des rêves plein la tête, pas d'amoureux (mais beaucoup de flirts) et toute la vie devant moi. A force de traîner dans ce quartier, on a fini par découvrir notre spot, the spot : Le Diable des Lombards. C'était le repère des premiers grapheurs. Il ne s'agissait plus de simplement écrire ou dessiner sur les murs, mais d'inventer un nom, une signature graphique associée et d'en marquer le plus de murs possibles. J'en connaissais un tas ! J'ai toujours mon agenda de 1988 signé par le plus populaire de l'époque, quelque part au milieu d'une douzaine de gros cahiers. Parce que quand Gauthier ne m'accompagnait pas, j'y allais seule au Diable ou chez Costes. Et j'écrivais. Des pages et des pages. J'ai passé un nombre d'heures incaculcable, en 3 ans, aux terrasses des cafés. Seule ou accompagnée. J'aime toujours autant ça d'ailleurs.

J'ai 21 ans. J'habite un grand appartement avec Lara et Sybil. Gauthier a les clefs. Il prévoit de se marier avec Sybil (mais disparaîtra quelques semaines avant, prenant ses jambes à son cou au tout dernier moment). Ma copine d'enfance Géraldine me rejoint au Diable pour fêter ma vraie majorité. Je termine mes études. Le lundi suivant, je démarre un stage chez Loudmer, commisseur Priseur. En attendant, on déjeune au comptoir toutes les deux. Une coleslaw ou un hamburger sûrement. Au dessert, on s'envoit un cointreau pamplemousse, puis un autre. Et comme ça jusqu'au soir. On a fini par partir quand je suis tombée du haut de mon tabouret au milieu d'un fou rire ! Avec Géra, on refaisait le monde. On était ensemble au collège. Un soir d'été on s'était rejointes toutes les deux. On avait marché et parlé toute la nuit en parcourant les quais. Le dimanche matin, au lever du jour, on était allé sonner chez les Mitterrand dans leur petite rue du 6e. Ah ! la tête de la dame qui nous a ouvert "vous avez vu l'heure ?". Oui oui, on avait bien vu. Mais il fallait que l'on parle à notre Président, on avait des choses importantes à lui dire, au nom de la jeunesse. "Il n'est pas là, il est parti". Bon. On a lui le droit de lui écrire un - long - mot qu'elle a promis de lui remettre. Bougonne mais gentille la dame. Géraldine recevra une réponse signée de la main du Président. Je regrette encore de n'avoir pas mis mon adresse plutôt que celle de mon amie… Et encore plus qu'il ne nous ait pas accordé l'entrevue espérée.

J'ai 42 ans. J'ai quelques heures rien que pour moi de 14h30 à 19h30, entre la fin de mes cours et le repas de Noël de l'atelier. Il fait un froid de canard, le vent souffle à tue tête, mais quelle joie ! Paris est à moi. Je regrette de n'avoir pas mes écouteurs. Je marche donc sans musique. Je ne sens pas le froid. Je marche comme à revers. Et… mes pas m'ont conduite aux Halles. Rue Saint Denis. Rue des Lombards. Devant le Diable des Lombards ! La vache ! Ca fait si longtemps. J'entre. L'endroit est désert. Vendredi, 17h. Je m'installe au bar. Rien n'a changé. Rien. Rien ? Tout a changé, sauf le décor. 20 ans ont passé. 20 ans ? Mais où sont-ils passés ? Les grapheurs doivent être rangés. Mon Gauthier, où donc est mon Gauthier, Gogoth ? Les nombreux pakistanais qui servaient les boissons et débarrassaient, vidaient les cendriers, disparus aussi. Plus de cendrier non plus. Plus de client non plus, tiens. J'ai envie de fumer. Je me regarde assise sur ce même tabouret dont je me suis pété la gueule 21 ans avant. Le skaï est impec. C'est rassurant. Ca ne fait pas si longtemps que ça. Pourtant j'ai vécu aussi longtemps avant que depuis. Je ferme les yeux et j'entends le brouhaha de mes 20 ans. Je ne trouve pas le bouton, celui qui remonterait le temps juste là, pour faire un tour quelques instants seulement vers ma jeunesse dont une partie s'était tournée ici. Pas de bouton Rewind. Je bois mon café en regrettant de n'avoir pas osé commander un cointreau pamplemousse. Ai-je donc tant vieilli pour me soucier ainsi des apparences ? Je sors. Sans me retourner. Je marche et je marche encore. Ils ont commencé à démolir le forum. C'est bizarre. 19h. Je m'arrête dans un autre bar qui a une terrasse chauffée -avec des cendriers- derrière de longs rideaux en plastique. Je m'asseois. Je me sens bizarre. Un peu seule. Je commande un kir et j'allume une clope. J'ai chaud. Je sens mes joues rougir, comme toujours aux premières gorgées de vin. J'ai envie de m'ennivrer. Je n'en ferais rien. 19h30, je pars. Je suis en retard. Je suis de retour dans le présent. Je vais sans trop de joie à ce repas. J'ai hâte de retrouver les miens. J'ai 42 ans et je n'ai presque rien vu passer…

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Commentaires
S
Bon anniversaire!!!!
S
Voila le temps avance...et on essaye de ne pas être trop nostalgique...
C
Bel anniversaire alors... Beau récit!
G
j'adore lire tes tranches de vie ! Tes 18 ont fait tes 42.
M
Ces belles années d'il y a 20 ans nourrissent le présent... <br /> Je trinque avec toi à tes 42 ans aussi pimpants que tes 18 !
Otti Otta
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