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Otti Otta
Otti Otta
27 novembre 2011

Vi

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Je me souviens ma vie d'avant eux. Je me la rappelle très bien. Cette insouciance. Ce sentiment de liberté. Et cette détresse totale parfois aussi quand par hasard la solitude avait décidé de venir me visiter. Ou quand j'allais me faire peur sur le sentier des questions sur l'après. La mort. Cette terrible chose qui nous menace tous, que certains arrivent à ignorer (vraiment, est-ce possible ?) et que d'autres redoutent. Plus jeune, avant eux, il m'arrivait d'être dans mon bain, tranquille, bien. Et soudain de sentir une boule grossir et envahir ma poitrine, mon corps, ma tête, à tout faire pêter. Le cœur qui accélère soudain. Et cette vision que tout ça prendra fin. Ce n'est pas tant la peur qui m'envahissait alors. Non. Je n'aurais pas le mot. Ce serait un nom commun inanimé abstrait, comme on l'apprend au CM1. Un mot que je ne trouve pas, qui n'existe peut-être pas. Un mot que les personnes comme moi n'oseraient pas prononcer, de peur qu'il déclenche cette impression terrible…

Et puis j'ai rencontré l'homme. Et ma vie a commencé à prendre sa forme adulte. Tardivement, un peu avant mes 30 ans. Et puis j'ai dit à l'homme que je n'aurais pas d'enfant avant d'être mariée. L'homme, qui n'était pourtant pas très pour, il m'a fait sa demande (sans bague, sans blague). Et puis un été il est allé très officiellement demander ma main à mon père (plus tard ma mère lui ferait remarquer en riant qu'il aurait dû mettre des gants blancs !). Mon père a donné sa bénédiction. On a fêté ça chez Bob lors d'un dîner dont on est tous resortis un peu pétés…

Et puis on a fixé une date. Choisi les endroits. Et puis l'homme en hiver - on s'était rejoint pour un apéro tout près de mon bureau - me parle encore préparatifs, menu, liste des invités. Et puis il me demande comme ça : "au fait, faut que je te demande, tu veux toujours te marier avec moi ?". Comme j'ai été soulagée : "non, non non non. Je ne veux pas me marier. Je veux qu'on reste comme ça !"

C'était réglé. Et quelques jours plus tard, sans blague, j'étais enceinte de mon premier. Et tellement folle de joie. Un peu moins de deux ans après, enceinte à nouveau. Leo était encore bébé. J'ai changé de gynéco et d'échographe en cours de grossesse. Je me souviens précisément de l'absence de lumière, à l'exception d'une lampe de bureau, dans la pièce où ma nouvelle échographe m'avait reçue. Elle a consulté toutes les radios dont une qui précisait que j'attendais un garçon, les examens. Et puis dans cette pénombre elle m'a montré mon bébé sur le moniteur. J'avais dit à l'homme que ce n'était pas la peine qu'il vienne. Assez vite, je m'entends dire "habituellement je n'en parle jamais sans que mes patientes ne fassent le premier pas, mais là je ne peux pas. On vous a dit que c'était un garçon ?". Moi "oui, oui oui, c'est un garçon !". "Eh bien non, madame, je peux vous asurer que c'est une fille".

En sortant j'ai appelé l'homme. Jusqu'à avoir sa fille dans les bras il n'y a jamais crû. Et moi ? Je me suis acheté un magnifique pull… rose. Que je portais le lendemain au travail pour annoncer l'incroyable nouvelle.

Et puis près de 10 ans ont passé. Une décennie. Avec eux, en moi, à côté de moi, toujours là. En les regardant, je regarde un bout de moi. Ils sont mes cellules. Et celles de l'homme aussi. Mais ce sont les miennes que je vois en eux. Des miettes de moi, de mes parents, de mes frères, de mes aïeux, de mes ancêtres. Des poussières d'éternité. Mes deux joyaux. Ils m'ont tout pris. Ma liberté. Mon égocentrisme. Un peu de ma pêche. Un peu de ma fantaisie. Eux ou le temps qui passe ? Mais depuis, je n'ai plus ces atroces visions de la mort. Je m'inquiète souvent, mais je ne tombe plus dans le si profond précipice. Je ne m'en approche plus non plus. Il me semble que j'ai accompli ma vie. Il me la reste à vivre toute entière avec ses joies et ses déboires. Les chagrins et les éclats de rire. Mais j'ai apporté mon grain à l'éternité. C'est un miracle. Je les regarde et je m'extasie de ce que nous arrivons à faire. La reproduction, un nom commun animé bien laid pour ce que la nature nous a donné de plus exceptionnel…

 

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"Vi" ça veut dire "nous" en suédois…

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Commentaires
C
Classe, on dit ça comment en suédois ? C'est très chouette la façon dont tu racontes ça !
L
C'est un beau témoignage d'amour...
M
Quelles belles bouilles ! Et puis, j'aime bien quand tu nous traduis du suédois !
Otti Otta
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