Saturday
Après plusieurs semaines de reprise buissonnière, on a fait notre come back au poney club. Je tremble toujours autant pour Emma, c'est terrible. Tandis que c'est sereinement que je regarde son frère faire de l'obstacle au galop… On n'efface pas les traces du temps. Il me semble que toute ma vie j'aurais peur pour ma fille. Cette année encore ma mère m'a demandé si je lui laissais emmener Leo voir mon frère en Californie. J'ai dit oui. Et comme toujours elle ajoute "et Emma, elle peut venir cette année ?"
"Non. Non maman, je ne peux pas la laisser partir si loin sans moi…". ma mère n'insiste plus.
Et donc je la prive d'une expérience extraordinaire, ma fillette. Mais c'est plus fort que moi. Quand on a eu un enfant fragile, hospitalisé des semaines loin de la maison, même si tout s'est arrangé, il reste de lourdes séquelles dans la tête d'un parent. C'est dans ma tête. C'est dans mon cœur. Si ma poulette me dit qu'elle a mal à une jambe, au pied ou pire, à la hanche, j'ai la nausée. Envie de crier. Elle voit mon regard horrifié et elle ajoute "mais ce n'est pas grave, ça y est, j'ai plus mal…"
Alors je ne la laisse pas partir loin sans moi, je n'autorise pas qu'elle monte dans un avion parce que j'ai peur. Et quand je la regarde sur son poney qui me parait toujours bien trop haut, j'ai ce regard effrayé qu'elle n'aime pas et je me fais violence pour l'encourager, lui sourire. Parfois ça marche. Parfois je m'éloigne pour la laisser un peu tranquille. Parfois je suis si tendue qu'en finissant sa reprise elle nous dit qu'elle ne montera plus. Parfois aussi je n'y vais pas, j'envoie l'homme seul. Et je ne quitte pas mon téléphone de vue, préparée à l'idée qu'il sonnera et qu'elle sera tombée, qu'elle se sera démis la hanche, qu'il faudra faire cette opération que nous avons refusé qu'elle subisse.
Ca va mieux maintenant, mais longtemps je tremblais quand elle faisait du toboggan. Je lui ai interdit de faire le grand écart à la danse. Elle n'a pas le droit de grimper à l'arbre du jardin. Comme elle voulait faire comme son frère, pour qu'il ne grimpe plus, je leur ai fait croire qu'il était infesté de vilaines bestioles qui les piqueraient à coup sûr. L'inquiétude, ça rend fou… Pourtant le chirurgien nous a garanti qu'elle ne risquait plus rien si ce n'est de l'arthrose juvénile.
La nature est bien faite. Aux futures mères et futurs pères pour la première fois, j'ai toujours dit "vous verrez, c'est extraordinaire…" On ne dit pas "mais vous êtes complètement cinglés. faire un enfant c'est de la pure folie. Plus jamais vous ne serez tranquilles. Vous aurez peur tout le temps. Plus de liberté. C'est un boulet un bébé. C'est malade, ça vomit, ça mange tout le temps et parfois ça ne mange plus et c'est pire ! Un enfant ça prend des risques à chaque instant. Il faut sans cesse veiller sur eux. Ils se penchent au dessus des rembardes. Ils courent sur le carrelage mouillé. Ils sautent du plus haut possible. Ils font des expériences en silence. Ils sont fragiles et se prennent pour invincibles. Ils crient. Ils pleurent. C'est l'horreur !"
Non on ne dit pas ça à un futur parent. On lui fait croire que ce n'est que génial. Et c'est bien. Parce que les abeilles ne pollinisent pas les hommes. L'homme doit se reproduire tout seul. Et il ne faudrait pas l'en décourager surtout… Un copain, papa une seule fois, a croisé mon frère quand sa chérie étaiet enceinte de Lucas. Et ce copain n'a pas hésité à lui dire "mon pauvre, ta vie est fouttue". J'ai trouvé ça triste mais ça m'a fait rire…
Ce message est déprimant. Pardon.