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Otti Otta
Otti Otta
21 juillet 2010

Malédictions à la russe

sanaiev

Enterrez-moi sous le carrelage du russe Pavel Sanaïev est une pépite.
Un roman très riche. Un grand plaisir à lire.

Un petit gars de 9 ans, Sacha, élevé par une grand-mère hystérique et vipère et un grand-père soumis, nous raconte sa vie.
Et puis parfois, via des conversations de la grand-mère, du grand-père, de la mère et du nabot (l'amant de la mère), l'auteur nous donne des clés sur le pourquoi de l'état de l'existence du petit. Parce que Sacha ne comprend pas grand-chose aux histoires de grands. Il nous raconte juste sa vie façon premier degré.

"Je m'appelle Sacha Savéliev. Je suis en CM1 et je vis avec ma grand-mère et mon grand-père. Ma mère m'a échangé contre un nabot buveur de sang et à accroché une lourde croix au cou de ma grand-mère. Et j'y suis pendu depuis l'âge de quatre ans."

C'est à la fois drôle et triste. Certaines scènes ou quelques paroles particulièrement corsées de la petite mémé

"Espèce d'abominable salaud puant, pestilentiel et excécrable!.Tu boufferas quand on te donnera à bouffer ! Il n'y a pas de larbins ici !"

"Je finis ma kacha, dis "merci"  grand-mère et quitte la table. J'entends alors dans mon dos : - Il pourrait dire merci, au moins !"

"Or, je n'étais pas autorisé à transpirer. C'était un crime plus grave encore que d'être en retard pour la prise de mes pilules homéopathiques ! Grand-mère expliquait que, lorsqu'un individu est en sueur, il se refroidit, par conséquent la résistance de son organisme diminue ; le staphylocoque le devine, il se multiplie et provoque une sinusite. Je me souvenais que, de toute façon, je n'aurais pas le temps de pourrir de sinusite, car si grand-mère me voyait dans cet état, elle me tuerait avant que le staphylocoque ne se réveille."

Quand son petit est vraiment malade et à ce moment là seulement, elle fait preuve de douceur "Mets-toi sur le côté mon petit agneau, comme si tu faisais déjà dodo. Avec la camomille on fera cui-cui - et la fièvre aussitôt se sera enfuie. Tu voies un peu ta mémé, comme elle torche des vers ! Allez, tourne-toi !").

Il m'est arrivé de rire carrément à voix haute dans le métro, pendant ces pages. Qu'est-ce que je me suis régalée. Mais on rit jaune (ce n'est qu'à la fin du livre qu'on le ressent) : tous ces personnages souffrent. C'est pénible. Il aurait suffi de peu pour que la vie leur soit belle mais trop de chagrins les ont tous aigris.

La mémé est malade. Vraiment malade. Bousillée, fichue, incapable d'amour tendre (elle c'est l'amour vache et brutal, elle n'est qu'injures et malédictions à tout va) depuis la mort de son premier bébé.

Elle a volé - avec la complicité du grand-père - son petit-fils à sa fille. Ce petit garçon chétif, malade, s'enrhumant au moindre coup de vent, bourré d'allergies "pourrira vers ses 16 ans" prédit la mémé. Elle le soigne, le gave de médicaments, et lui interdit tout (même de transpirer !).

Elle lui rend la vie impossible. Pourtant il est la seule chose qui retienne encore vivante la vieille femme aigrie. Elle aime ce petit garçon plus que sa propre vie. Et elle lui fait vivre un enfer.

Tout ça finit bien. Et mal. C'est toute la subtilité slave de cette œuvre. A lire absolument.

PS : Ca donne à réfléchir : il m'arrive parfois de me mettre en colère et d'avoir des paroles très dures contre des êtres qui me sont très chers. (Mais je ne vais pas jusqu'à maudire ni cracher des vipères, faut pas exagérer !). Dans ces cas-là, je me fais penser à ma mère (pardon mamma lila, c'est lié à quelques disputes de couple dont j'ai été témoin dans l'enfance, sur des sujets tellement bénins… Ca nous gachait parfois des moments qui devaient être juste parfaits. Je vous en voulais tant de tout gâcher pour des broutilles. Mais je ne voyais que le haut de l'iceberg, j'en suis bien consciente aujourd'hui) et je me déteste. Rarement je présente des excuses. Ce roman m'a offert un miroir de ce que nous sommes dans la colère et sous l'effet de la peur : méchants, injustes, cruels. Et même si le vent tourne vite, il ne faut pas croire que ces éclats verbaux sont sans conséquence. Je tacherais d'y faire plus attention à l'avenir…

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Commentaires
M
Une lecture pas ordinaire qui fait réfléchir. A ajouter à la PAL. Et puis, très jolie la nouvelle bannière !
Otti Otta
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